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jeudi 11 décembre 2014

portrait : andré gingras



   Fort Lauderdale, Floride - ''J'ai vite compris que je ne gagnerais pas ma vie en faisant de la compétition. C'est pour cela que j'ai pris cette décision, en 1983, et je suis parti observer les meilleurs enseignants de golf.''
   Les paroles d'un sage, celles d'André Gingras, un pro de la région de Québec qu'on ne peut dissocier de l'enseignement du golf. ''Et pour vendre des bâtons, ajoute-t-il, je n'étais guère meilleur. Alors j'ai misé sur l'enseignement et je ne le regrette pas du tout.''
   Puis on se rend avec lui au champ d'exercice du club Inverrary en Floride, où, évidemment, il donne des cours de golf aux Québécois pendant l'hiver. Il marche d'un pas solide, ce pas qu'ont ceux et celles qui ne veulent pas s'arrêter.
   ''Si tu arrêtes, dit-il, tu tombes. Il faut toujours s'occuper, faire des recherches, fouiller, s'améliorer.'' Oui, on parle à un sage! À un observateur, aussi, celui qui est toujours attentif, qui ne veut rien manquer. Et tout au long de l'entretien, cette façon de faire revient souvent dans ses propos, dans les histoires de son long passé qu'il raconte.
   La route des USA
   ''Le premier séminaire américain auquel j'ai assisté, se souvient-il, c'était à Bâton Rouge en Louisiane et c'est Davis Love II qui le donnait. Pendant un cours, il a demandé à un membre du club de s'élancer. Pendant des minutes, il n'a rien dit, il l'a juste observé, l'a juste regardé frapper des balles. Puis il a discuté un peu avec lui. L'homme lui a précisé qu'il avait toujours eu une slice et qu'il n'avait jamais été en mesure de jouer du bon golf.
   ''L'instructeur Love lui a donné quelques petits trucs, poursuit M. Gingras, et dès qu'il s'est de nouveau élancé, il avait un hook, un beau crochet vers la gauche! J'ai compris que cela était l'une des clés d'un bon prof de golf, corriger un problème par son contraire.''
   Tout cela s'est passé en 1983, l'année où, comme il l'a dit, il a décidé de prendre la route pour les USA afin d'aller observer les meilleurs. C'est aussi à ce moment-là qu'il est devenu ami avec l'un des meilleurs enseignants de golf au monde, Chuck Cooke.
   ''Lors d'un séminaire à Palm Beach, en Floride, il était là et on a beaucoup travaillé ensemble, relate-t-il. Chuck m'a dit que j'étais toujours le bienvenu à Barton Creek au Texas, là où il travaillait. Je l'ai pris au mot. Je suis parti quelques jours plus tard en voiture jusqu'à Austin sans le prévenir. Je me suis installé près du champ d'exercice et je l'ai observé de longues heures. Il a aimé mon attitude et, par la suite, je l'ai suivi souvent. J'allais l'observer dans les cliniques qu'il donnait un peu partout, en Californie, en Arizona... J'ai appris beaucoup de lui.''
   Le Saint-Laurent
   Donc la notion enseignement du golf et le nom André Gingras, au Québec, ne font qu'un. Au-delà de son travail d'enseignant et de professionnel dans des clubs comme Orléans, Courville (aujourd'hui Montmorency), Lorette et maintenant pro enseignant à La Tempête à Lévis, il y a aussi son implication dans la création du club Saint-Laurent, sur l'île d'Orléans, qu'il ne faut pas oublier.
   ''J'étais pro au Orléans et je croyais qu'un parcours de 18 trous sur l'île aurait sa place, raconte-t-il. J'en ai rencontré des cultivateurs à qui je demandais de me vendre du terrain pour construire un club de golf! On a finalement ouvert le parcours en juillet 1973. On vendait des actions à 400$! C'était énorme! Malheureusement, on a fait faillite en 1977 et on a dû s'en départir.''
   L'exemple européen
   À 73 ans et avec tout son bagage de pro enseignant, André Gingras peut se permettre de poser un regard critique et de donner son opinion sur la situation actuelle du golf. Selon lui, il faut recréer une clientèle à partir de la base et l'exemple des clubs européens l'inspire.
   ''Le golf est un sport très, très difficile, soutient-il sans aucune hésitation. Juste faire lever la balle, pour les débutants, c'est déjà tout un défi! Alors il faut partir de la base, faire progresser les adeptes par étapes et peut-être enlever quelques règles. En Europe, des clubs enseignent à leurs membres, dès le départ, les rudiments du golf et la façon de le pratiquer puis ils leur remettent leur carte
de handicap. Ils prennent le temps de bien initier les membres.
Il a parcouru les USA pour observer les meilleurs enseignants de golf.
   ''Les techniques d'enseignement aussi progressent, s'améliorent, continue-t-il, et cela aide les gens à être plus à l'aise avec ce sport. Si les golfeurs n'ont pas de plaisir parce que tout est trop compliqué, ils vont abandonner.''
   Le paradis
   Cette idée de rendre plus simple la pratique du golf, André Gingras l'incorpore dans sa méthode d'enseignement.
   ''Il y a toujours les règles de base à suivre pour bien enseigner le golf, dit-il, comme d'abord partir avec la bonne prise et la bonne posture. La prise pour que la face du bâton soit la bonne lors de l'impact, et la posture pour la rotation et l'équilibre. Sauf qu'il faut prendre en considération la physionomie de l'élève, sa flexibilité aussi. Et là tu dois t'ajuster, trouver des trucs pour l'aider à bien frapper une balle. Parfois, tu peux donner dix conseils, dix manières de faire pour dire la même chose avant que l'apprenti trouve celle qui lui donne le déclic.''
   Quand il explique tout cela, André Gingras est d'un calme parfait mais dans le ton, on sent toute sa passion, tout son amour même, pour son métier. Un sage, qu'on disait, un observateur également, mais comme bien des adeptes de golf, un passionné.
   Un passionné qui est présentement au paradis, tient-il à préciser. Et ce paradis, pour lui, c'est le club La Tempête où il travaille depuis 2009.
   ''Je ne veux pas m'arrêter, comme je vous l'ai dit, mais je sais bien que je vais finir ma carrière à cet endroit et c'est tout un privilège, estime-t-il, visiblement ravi. Il y a à l'Académie de golf de La Tempête une ambiance de développement, d'innovation et de recherche qui cadre parfaitement avec ma façon de travailler et cela, bien sûr, c'est formidable!''
   Pas de regret
   Les années où, enfant, il s'était créé un petit parcours sur le terrain familial, celles où il faisait la longue route pour aller aux tournois juniors à Montréal, celles encore où il remportait les titres amateurs et professionnels, celles où il parcourait les États-Unis pour se perfectionner dans l'enseignement, sont à la fois loin derrière lui et toutes proches dans sa tête et son coeur.
   Et quand il jette un coup d'oeil sur tout cela, l'enseignant n'a aucun remord, ne regrette absolument rien de sa longue carrière.
   ''Je recommencerais sans changer grand chose'', déclare-t-il tout de go sans trop s'attarder sur le passé. De toute façon, il n'a pas le temps de le faire, il veut juste continuer, ne pas s'arrêter.

 *Droits d'auteur Martial Lapointe. Toute reproduction de ce texte doit recevoir l'approbation de l'auteur.

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