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lundi 27 octobre 2014

portrait : yannick pilon


   Québec - Au golf, on entend souvent qu'il faut savoir rester concentré, ''rester dans sa bulle'' pour bien jouer. C'est justement là tout le malheur de Yannick Pilon. S'appliquer, demeurer attentif à son jeu s'avère une bien lourde tâche. Et ce n'est pas parce qu'il n'aime pas le golf, loin de là. La faute de ce peu de concentration revient tout simplement à... son métier!
   ''Je regarde partout, j'observe. Je pense à des changements que je pourrais apporter à la fosse de sable devant un vert ou en bordure d'une allée, à l'utilisation différente d'un plan d'eau, à
l'agrandissement possible d'un green, bref, je travaille au lieu de jouer'', de dire cet amateur et passionné qui gagne sa vie comme architecte de golf, comme créateur de défis pour les amateurs de la petite balle blanche.
   Après avoir oeuvré de nombreuses années pour la firme bien connue de Graham Cook, Yannick Pilon vole de ses propres ailes depuis peu. À l'époque où il travaillait pour cette importante firme de design de terrains de golf, il avait agi comme chargé de projet pour la construction du parcours Les Boisés de Joly, entre autres.
   Récemment, il a été responsable de la mise en place du parcours de 12 trous créé au club Le Cerf, à Longueil. Dans le contexte actuel où l'industrie du golf vit des moments d'adaptation peu propices à la création de nouveaux terrains, il gagne sa vie en aidant différents clubs désireux d'apporter des changements ou des améliorations à leur parcours. On lui doit justement le tout nouveau vert du trou numéro un au club Lac Saint-Joseph.
   Dessin à Nicklaus
   Donc rester concentré lors d'une partie de golf demeure tout un défi pour cet amoureux des décors naturels. Et cela depuis l'enfance!
   ''Quand j'étais jeune et que j'accompagnais mon père au golf, j'aimais tout autant regarder et examiner la carte de pointage du club que de frapper la balle, raconte-t-il. Amateur de dessins, j'étais fasciné par ceux qui illustraient chacun des trous du parcours.''
   Un jour, son père l'amène à Myrtle Beach pour un petit voyage de golf. Il avait 15 ans. Il feuillette alors un magazine de golf et tombe sur une pub qui, quelque part, allait être déterminante dans ses choix d'avenir. L'annonce en question en était une de la firme de design du célèbre Jack Niklaus.
   ''Les coordonnées de l'entreprise y apparaissaient, se rappelle-t-il. J'ai donc décidé d'écrire à M. Niklaus. Je lui ai envoyé un de mes dessins de terrains de golf en lui disant que j'aimerais bien travailler dans ce domaine plus tard. Un de ses associés a pris la peine de me répondre et a reconnu la qualité de mes dessins. J'ai su dès lors ce que je voulais faire dans la vie!''
   Comme le bon vin
   Aux yeux de Yannick Pilon, un beau terrain de golf en est d'abord un où les caractéristiques environnementales des lieux ont été mises en valeur et où sa topographie naturelle a été aménagée de façon stratégique. Tout cela compte davantage qu'un milieu bien entretenu, qu'un parcours soigné.
   ''Je pense à ce que l'équipe de Mike Weir a fait à Laval-sur-le-Lac, précise-t-il. Ils y ont construit d'immenses verts permettant des emplacements de fanions qui, d'un jour à l'autre, donnent des conditions de jeu très variées.
   ''Et il y a aussi des terrains qui demeurent des temples du golf sans pour autant être des exemples parfaits de terrains bien entretenus, poursuit-il. Le vieux parcours de St-Andrews, par exemple. Ce terrain brise presque toutes les conventions du golf et pourtant, son design fait en sorte qu'on replonge dans l'essence même du jeu du golf.''
   Pour partager sa passion et pour démocratiser l'architecture du golf, Yannick Pilon a créé un blogue dans lequel il fait part de ses réalisations aux lecteurs, de même que sur la façon dont certains parcours célèbres ont été construits.
   ''J'essaie d'expliquer l'idée avec laquelle l'architecte a débuté son travail pour ensuite obtenir le résultat souhaité, dit-il. Comment tel ou tel parcours renommé a été pensé. Parfois, on admire des terrains sans trop savoir pourquoi ou, plutôt, comment en sont-ils venus à se démarquer par leur décor magnifique ou par l'agréable défi qu'ils représentent. Un peu comme un spécialiste du vin peut le faire avec des grands crus.''
   Adapter les parcours
   Selon lui, la construction de nouveaux terrains par des pros qui élaboraient le design en fonction de leur propre façon de jouer, sera de plus en plus rare. Ceux et celles qui ont déjà joué sur des terrains pensés par Jack Niklaus savent bien que ce grand joueur, excellent avec ses fers longs, a tendance à créer des terrains dont les verts sont très difficiles d'accès. Niklaus dessine aussi des allées coudées vers la droite, lui qui maîtrise les coups gauche-droite.
   Dorénavant, de l'avis de Yannick Pilon, créer des parcours difficiles à jouer sera encore possible, mais il faudra aussi les adapter.
   ''Les adapter à tous les niveaux de golfeurs, souligne-t-il. Car il faut penser la création ou la modification de terrains de golf de manière à attirer les joueurs. La situation n'est pas rose ces temps-ci, je ne le souhaite pas mais il y a sûrement d'autres clubs qui vont disparaître et il faudra que ceux qui restent, vivent bien.
   ''On doit donc trouver des façons d'attirer une clientèle. Il faut amener les jeunes sur les terrains, une bonne partie de la solution passe par ce recrutement.''
   Dans cette industrie si peu en croissance, quel avenir reste-t-il aux architectes de golf?
   ''Il y aura toujours de la place, peu importe d'ailleurs le secteur d'activité, pour les gens qualifiés, pour les passionnés'', tranche-t-il, convaincu.



 *Droits d'auteur Martial Lapointe. Toute reproduction de ce texte doit recevoir l'approbation de l'auteur.

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