Translate

lundi 20 octobre 2014

portrait : claude brunet


   Valcartier - Les golfeurs s'immobilisaient, ceux qui allaient s'élancer s'arrêtaient, les regards se tournaient alors, les cous s'étiraient... Mais qui est donc cet effronté osant aller sur les verts avec sa voiturette électrique? ''Ça surprend toujours un peu la première fois'', dit Claude Brunet sur un ton calme et quasi désintéressé, nullement offusqué d'être le point d'attention.
   La scène se passait au club Castor, à Valcartier. Il a fallu le faire remarquer à Claude
Brunet que des yeux curieux se braquaient sur lui car de son côté, il y a longtemps qu'il n'y prête plus attention. Il va jouer au golf, tout simplement, comme tout le monde. Et il est très à l'aise avec sa voiturette adaptée qui roule sur les verts.
   Pour avoir déjà été témoin de remarques qui frôlaient la panique, juste parce que des golfeurs s'aventuraient un peu trop près d'un vert avec leur charriot à main, je m'attendais à plus de réactions pendant les brefs instants passés avec ce golfeur atteint du syndrome de Guillain-Barré. Son état l'oblige à jouer avec un véhicule adapté.
   ''Il arrive parfois que certains ne prennent pas la peine de remarquer ma condition et viennent tout de suite m'engueuler et me faire des reproches. Mais une fois les choses bien expliquées, une fois que je les ai bien rassurés sur le fait que ma voiturette n'abîme en rien les verts, tout rendre dans l'ordre'', précise-t-il.
   ''Il y a aussi ceux à qui cela dérange mais qui n'osent pas lui dire, ajoute sa conjointe Hélène. Ils viennent me voir pour se plaindre. Alors je leur dis que Claude est certes handicapé physiquement mais qu'il n'est pas débile pour autant. ''Allez lui dire'', que je leur réplique aussitôt.''
   Vendredi 13
   Claude Brunet venait à peine d'avoir 18 ans, le vendredi 13 juillet 1979, quand au réveil il a constaté que le bas de son corps ne bougeait plus, ne répondait plus. Dans les jours qui ont suivi, le diagnostic est tombé avec le verdict brutal de finir ses jours dans un fauteuil roulant.
   ''Ce fut un coup de masse en plein front'', émet-il sans détour, se rappelant ces jours difficiles au moment où sa vie d'adulte débutait.
Claude Brunet joue une vingtaine de parties par saison.
   ''Je venais de recevoir mon diplôme d'électricien de chantiers, je me lançais dans la vie mais il fallait tout reprendre à zéro et dans des conditions totalement nouvelles et pas très agréables.''
   Il fait alors une pause dans l'échange, le temps de passer du fauteuil roulant au véhicule adapté pour le golf. Il se concentre sur ses geste mais, en même temps, on devine qu'il rumine sur la suite des choses à dire à propos de ce que la vie lui avait réservé. Puis il s'arrête  brièvement, l'air pensif, ailleurs, et lance convaincu: ''Le sport m'a sauvé!'' Puis il poursuit tout simplement sa tâche, ajustant son siège et bouclant sa ceinture.
   Petites victoires
   À cette époque, il n'y avait pas grand chose d'adapté aux personnes en fauteuil roulant. Alors les séances en centre de réadaptation se sont enclenchées.
   ''Juste monter sur un trottoir était tout un défi dans ce temps-là, relate-t-il. Pendant les séances, j'ai vu des gens en fauteuil qui jouaient au basketball. Cela m'a tout de suite intéressé. J'en suis devenu un véritable adepte. Ensuite, ce fut du côté du tennis que je me suis tourné, puis le curling, puis le golf... Oui, le sport m'a sauvé!''
   L'adepte s'est peu à peu retrouvé au sein de l'élite. Il a ainsi obtenu sa place dans l'équipe provinciale de basketball en fauteuil roulant et a même joint l'équipe canadienne de tennis.
   ''J'aurais pu facilement me laisser aller et dépérir petit à petit, raconte Claude Brunet. Mais je suis retourné aux études et j'ai fait de la compétition sportive. J'y suis allé de petites victoires, une à une, qui m'ont procuré de grandes joies''
   Des voiturettes adaptées
   Lors de la rencontre, il participait au tournoi de golf de son groupe de curling. Le tennis et le basket ont fait place à d'autres activités compte tenu les opérations aux épaules qu'il a subies.
   ''Avec l'âge, le sport intensif et, bien sûr, avec les déplacements en fauteuil, mes épaules y ont goûté. Donc maintenant je joue surtout au curling l'hiver et au golf l'été.''
   Depuis sept ans, près d'une vingtaine de fois par année, Claude Brunet et Hélène Thibeault se promènent sur les terrains de golf. Ils arrivent avec la voiturette de golf adaptée, celle qui fait tourner les têtes.
   ''C'est sûr que si les clubs en louaient, de telles machines adaptées, je n'aurais pas acheté celle-ci, explique-t-il. C'est plus commun en Ontario ou aux États-Unis. Lors d'un voyage à Myrtle Beach, d'ailleurs, un complexe de golf en avait gardé une disponible pour moi tout au long de mon séjour.''
   Quand il réserve ses départs de golf, Claude Brunet ne mentionne pas sa condition. À son arrivée, toutefois, il doit toujours rassurer les gens, leur dire qu'aucun dégât aux verts ne sera fait. Il joue souvent les mêmes terrains et là, plus besoin de justifier quoi que ce soit.
   Le score? Bof!
   Le suivre ou jouer en sa compagnie les premières fois, impressionne. Tous les gestes se font de façon fluide et naturelle, que ce soit la pose du tee et de la balle sur les tertres avec une tige spéciale ou encore les élans à partir de son siège qui se redresse pour lui donner une position debout. Ce n'est pas Claude Brunet et ses partenaires qui retardent le moindrement le jeu, c'est même plutôt accéléré, a-t-on pu être témoin.
   Il n'a aucune gêne à partir des tertres rouges. Son élan n'a rien de compliqué et ses coups sont précis. Avec son bois un, il atteint une distance de 150 verges, ne pouvant exécuter un bon transfert de poids compte tenu la paralysie des membres inférieurs.
   ''C'est surtout les coups d'approches qui me causent problème, mentionne-t-il. Je ne peux pas jouer ces coups près de mon corps à cause du siège. Quelqu'un m'a suggéré de courber les tiges pour pouvoir rapprocher la tête du club vers mes pieds. Je crois que cela pourrait effectivement m'aider à améliorer mes approches.''
   Et qu'en est-il du score? Pour toute réponse, un haussement d'épaule et un ''bof!'' émis avec insouciance. ''Il fait beau, je suis dehors, en compagnie d'amis et je fais du sport...'', glisse-t-il souriant.
   Oui, bien sûr, et c'est encore là une autre petite victoire!

*Droits d'auteur Martial Lapointe. Toute reproduction de ce texte doit recevoir l'approbation de l'auteur.

1 commentaire:

  1. J'ai trouvé cet article très intéressant, car j'ai fait quelques recherches sur le sujet du golf adapté, je me suis donc permise d'afficher une partie de cet article et ce lien sur le site du Réseau GOLFEVER. Ça me touche et ça me fait plaisir de voir qu'une passion peut procurer autant de détermination. Bravo M.Brunet!
    Diane Nicol
    Réseau Golfever
    http://golfever-lafievredugolf.com/profiles/blogs/le-sport-m-a-sauve (Voir l'article et approuver svp)

    RépondreEffacer